A l’annonce du premier cas enregistré au Sénégal le 02 mars 2020, la Covid 19 s’est largement imposée à tout le monde. Elle a fait irruption dans notre humanité et envahi tous les confins de la planète. Quel bouleversement !!! Pour éviter la propagation de ce virus, l’état a mis sur place des mesures drastiques d’endiguement du fléau qui ravage la quiétude humaine. En effet, tout citoyen doit s’inscrire dans ce sillage à savoir le respect du couvre-feu, de l’interdiction de circuler (rester chez soi) et de se rassembler. Dans le même ordre d’idées, l’Eglise du Sénégal a sorti plusieurs communiqués qui suspendent les célébrations eucharistiques et toute autre activité ecclésiale jusqu’à nouvel ordre.
A entendre toutes ces recommandations, par mesure de prudence, le bon sens voudrait que l’on demande aux jeunes en formation de rejoindre leur famille respective. Au contraire, nos cadres de formation (postulat et noviciat) ont changé de base à l’image du confinement de Noé dans son Arche. Nous avons appris à nous réadapter au jour le jour. Comme nous l’avons vu avec nos différentes missions (éducation, santé et pastorale sociale), nos sœurs et nos jeunes en formation veulent vous partager leur réponse à la Covid 19 et l’expression de leur foi à travers l’image de l’Arche de Noé.

A l’Arche du Postulat, il y a eu d’abord la surprise et la consternation. Formatrices comme les jeunes, sommes secouées par l’ampleur de la pandémie et les conséquences sur les personnes, surtout les plus vulnérables. Heureusement que le «Restez chez vous» et «respecter les mesures barrières» constamment lancés par les responsables sanitaires, pour lutter contre l’ennemi invisible nous donnent à penser une autre manière de réagir avec agilité en cette situation de crise.
Ne pas la subir, mais la transformer en une formidable force d’adaptation au jour le jour. C’est ainsi qu’au postulat comme au noviciat, tout un changement de programme a été effectué dans tous les domaines.
O Coronavirus, qui es-tu ? D’où viens-tu ? Qu’as-tu fais ?
D’où viens-tu ? Nous t’entendions de loin depuis décembre 2019. Comment as-tu eu l’audace de frapper à la porte de notre pays? Mme Covid 19 tu n’es pas sérieuse, à cause de toi, tout est perturbé dans le monde. Certains vivent dans la peur au quotidien, d’autres dans le suspens d’autres encore dans l’insouciance extrême, allant même jusqu’à nier ton existence. Avec l’état d’urgence il n’y a plus de voyages, de ce fait musulmans et chrétiens n’ont pas effectué leurs pèlerinages respectifs car tu constitues une barrière entre villages, villes et pays. Mais qui es-tu pour semer autant de troubles ?

Tu n’es que négation pour avoir une telle signification CO : Confinement, V : Voyages suspendus, I : Interdiction totale, D : Détente impossible. Ô Mme corona tu as gâché notre vie, notre liberté, tu as complètement tout changé en métamorphosant notre existence. A cause de toi nous ne pouvons plus partir à la messe, ni à l’inter-postulat, ni nous promener. Aujourd’hui, avec le port du masque, nous avons le même visage. On a du mal à nous reconnaître. Au moment où nous sommes enfermés dans nos maisons, les animaux sont libres. Quel paradoxe ! C’est bien vrai que la roue tourne car personne n’aurait imaginé que C’est ainsi que tu plonges l’humanité dans le trouble.
Ce que tu ne sais pas c’est qu’on a beaucoup parlé de toi. Un nouveau vocabulaire émerge de l’imagination de la population. Imagine un peu certains prénoms inventés pour les nouvelles générations : « Aïssatou covid Diouf, Omar corona Ndiaye, Joseph quarantaine Ndong, Odile confinement Diatta, Serge nouveau cas Mendy, Moustapha cas communautaire Mbacké, Ami positif Camara, Moussa chloroquine Seydy».
D’autres diront que « c’est positif qui est bon et non négatif » et d’autres encore croient qu’ils seront épargnés des cas communautaires puisque le siège est loin de leur village. Figure-toi Mme Covid que tu n’échapperas pas au sort qui t’es réservé avec tant d’âmes innocentes que tu as osé arracher au regard de l’humanité sans raison. Cependant, sois prête à disparaître, car le jour où le monde te saisira avec un vaccin, l’humanité jubilera.
Ce que nous avons appris de toi.
Nous avons appris que c’est dans la crise que le meilleur de chacun émerge. Même si tu es à priori négatif, nous avons appris à nous adapter et à rester chez nous. Ainsi nous sommes devenues des maitresses de maison. Avec le confinement ce fléau est loin de nous arracher notre joie de vivre car nous sommes devenues plus créatives pour rendre notre quotidien agréable. Au moment où tu semais la panique, nous nous tournions vers Dieu en nous attachant à Lui qui est le Maitre de tout. Dans la foi et l’espérance nous avons prié avec beaucoup de ferveur en communauté à travers des célébrations, des neuvaines mais aussi personnellement, répondant à l’invitation de Jésus à ses Apôtres : «venez vous-mêmes à l’écart, dans un lieu désert»… (Mc 6, 31) O toi maladie mortelle, saches que tu n’auras pas le dernier mot, car tu seras vaincue par notre Dieu qui est miséricorde et qui agit avec amour et justice.
Voilà pourquoi, l’ensemble de l’humanité, toute religion confondue, tend les mains vers le Dieu de toute Miséricorde pour faire monter des prières afin que le Seigneur nous délivre de cette pandémie et de ces méfaits. Seigneur ait pitié de notre monde et renouvelle la face de notre terre. Accueille toutes ses âmes emportées par la Covid 19, qu’elles aient la vie éternelle. Jésus sauveur fait disparaitre cette pandémie à jamais de notre monde. Puisse cette crise ouvrir les yeux qui sont restés fermés jusqu’à aujourd’hui et amener des gouvernements plus responsables, plus qualifiés et plus proactifs, avec des citoyens plus conscients et plus exigeants. Amen !

Au postulat comme au noviciat, cette pandémie n’a pas interrompu la vie de prière personnelle et communautaire, elle l’a plutôt intensifiée. Nous prions tous les jours en union avec le monde afin qu’un vent paisible vienne emporter nos peines et laisse la place aux délices de la vie. Nous déposons continuellement toutes les intentions du monde aux pieds de Jésus Sauveur pour la cessation de ce fléau. Même si les habitudes ont changé, nous poursuivons nos activités et avons créé d’autres manières d’exprimer notre créativité, nos talents par la peinture, le dessin, le bricolage et autres…
Pendant ce temps où nous sommes restées chez nous, nous avons continué les cours à la maison et avons fait plus de recherches personnelles, de lecture spirituelle, et même un perfectionnement en informatique.
La Covid 19, au cœur de nos habitudes !!!!
A l’Arche Kër Sœur Dominique Guyol, l’ambiance habituelle change de parfum et d’orientation. Elle revêt un nouveau visage inhabituel. Depuis Janvier, les novices de deuxième année étaient en stage en vue d’une expérience communautaire et devaient normalement rejoindre la maison de formation le 03 Avril 2020. Mais hélas !!!
Il faut vite écourter ce séjour pour rentrer car l’état d’urgence du Sénégal a annoncé une fermeture des frontières interrégionales. Alors en route !!! Pas d’au revoir, ni de préparations pour ne pas embrasser la surprise.

Le 24 Mars, la sœur Marie Angélique a entrepris la route bleue pour procéder au ramassage. A 16 heures, nous voilà à Sicap Mbao. Joséphine, l’unique novice de première année avait affiché une mine heureuse malgré le retour brusque des autres. C’est le temps des retrouvailles.
Toutes nos habitudes étant bouleversées, notre emploi du temps a changé de fond et de forme. L’heure du confinement a sonné !! L’alarme du « restez chez soi » a retenti pour rappeler le danger de ce virus. Dès lors, toute notre vie s’active dans l’enceinte de la maison. Les provisions étant faites en gros, nous n’avons plus à sortir. Et comme les célébrations eucharistiques sont suspendues, nous débutons nos journées par la méditation suivie des laudes à 7h. En ce sens, nous signalons notre faim de Jésus Pain Vivant. Après le petit déjeuner, la matinée est rythmée par les tâches ménagères et les cours dispensés par les sœurs. Nous notons ici que les cours de l’inter-noviciat ont connu également un arrêt ponctuel, ainsi que la catéchèse paroissiale à cause de cette crise sanitaire.
Nous avons en effet abandonné quelques-unes de nos habitudes comme les repas autour du bol, le sport en groupe, les récréations dans la grande cour, puis nos parents et connaissances ne nous rendent plus visite. Le climat des enfants du préscolaire nous manque aussi énormément.
Ce n’est pas sans émotion que nous signalons la psychose et la monotonie des toutes premières semaines de notre confinement. Nous avons senti la peur, le découragement et la lassitude de cette nouvelle dynamique de vie que nous impose la présence de la covid 19. Alors beaucoup de questions surgissent de nos cœurs et de nos esprits. Qu’est-ce que c’est ce petit microbe qui bouleverse le monde entier ? Jusqu’à quand ce virus va cohabiter avec l’homme ? Mais où se trouve la vérité ? Le coronavirus est-il créé ou s’est-il muté ? Ces interrogations qui taraudent notre psychologie se confondent dans la paix que nous offre le Seigneur.
Bien plus, tout est considéré comme un symptôme du corona : éternuement, fièvre, toux et même le manque d’appétit. Nous trouvons dans ces actions des moments de digression pour chasser le stress. Nos récréations, causeries, et réflexions tournent autour du thème de la Covid 19. Et nous sommes toutes à l’affût des infos pour scruter le nombre de cas contaminés, de guéris et ceux en état d’urgence. Pour cela, Abdoulaye Diouf Sarr et Aloyse Waly Diouf du ministère de la santé et de l’action sociale sont devenus nos familiers car nous sommes pressées d’entendre de leur bouche l’annonce de la fin de cette pandémie avec l’expression suivante : «les résultats des examens virologiques d’aujourd’hui ont donné zéro cas».
Ce temps est favorable pour méditer et approfondir la Parole de Dieu. C’est ainsi que des récits bibliques nous aident à vivre ce moment favorable. Nous savons que, lorsque Dieu veut parler à son peuple, il l’emmène au désert ou dans un lieu clos comme l’arche de Noé ou au cénacle à la Pentecôte, la Bible raconte de multiples confinements, préfigurant toujours une sortie, voire une nouvelle naissance. C’est ainsi que, l’Arche de Noé (Gn 7) et la nuit de la Pâque (Ex 12) nous rappellent bien ce que nous vivons. Les Hébreux sont alors invités à «rester chez eux», leurs portes marquées du sang d’un agneau, afin d’échapper à la dixième plaie d’Égypte (la mort des premiers-nés). S’il est un confinement biblique motivé par la peur, c’est bien celui des disciples après la mort de Jésus : « les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs » (Jn 20,19).
Pourtant, Marie Madeleine leur transmet le message de Pâques, puis Jésus (qui devrait être confiné au tombeau !) apparaît au milieu d’eux et leur donne l’Esprit Saint – c’est la Pentecôte. Les disciples ne sont pas blâmés pour leur crainte, ni même pour leurs doutes, et leur confinement est respecté. Mais Jésus vient les y rejoindre. Ils ne sont plus seuls. Autrement dit, si l’on ne peut aller à Dieu, c’est lui qui vient à nous, même si nous avons verrouillé nos portes. C’est aussi notre expérience.
La pandémie de la Covid 19 a engendré des avantages dans notre quotidien au-delà des effets néfastes. Nous sommes privées d’Eucharistie mais nous passons plus de temps avec le Seigneur à travers l’adoration, la méditation de sa parole et les exercices de piété pour raffermir notre attachement à Lui et pour lui confier tous les acteurs de la santé, les autorités étatiques, les chercheurs ainsi que les victimes de la covid 19. C’est dans la foi et la confiance puisées du cœur du Christ pendant la prière que nous menions nos activités.

Le confinement nous a aussi permis d’approfondir notre formation à la vie consacrée par des recherches, des lectures, de confectionner le maximum d’ouvrages au moment des activités manuelles et de conforter nos relations fraternelles par la connaissance mutuelle, la solidarité et l’entraide.
Nous avons également profité de ce moment pour incarner nos riches cultures diversifiées en inventant des week-ends d’intégration, pendant lesquels nous partageons la joie d’être ensemble.
Somme toute, nous communions à cette souffrance universelle et de concert avec tout le peuple sénégalais, nous continuons de veiller au strict respect des mesures-barrières (le lavage des mains, le port obligatoire du masque, la distanciation physique…) pour que le corona puisse disparaître de notre existence. Nous exigeons aussi le port du masque à tous ceux qui viennent pour la corvée d’eau au niveau de la pompe.

Notre foi en Dieu Trine nous offre la latitude d’envisager un post-covid 19 radieux, riche en couleurs, en forme et en parfum dans un baume de sainteté. Un post-covid19 qui « renouvellera la face de la terre » pour que l’humanité jubile en ovation sous l’impulsion de l’Esprit Saint, fredonnant ce refrain épris de grandeur et de puissance :
«O Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand ton nom par toute la terre». (Ps 8)
Sœur Marie Angélique Sarr