
Les premières sœurs de l’Immaculée Conception de Castres à partir en mission arrivent à Gorée le 11 janvier 1848 après un voyage relativement court. Mère Marie de Villeneuve, leur fondatrice, a tenu à les accompagner jusqu’à Brest où elles embarquent le 23 décembre 1847. Elles sont quatre : Sœur Joséphine Barthès, sœur Louise Raynaud, sœur Paule Lapique et sœur Cécile Bernard. Elles sont hébergées par les sœurs de Cluny en attendant de rejoindre la Grande Terre, nom donné à la presqu’île du Cap-Vert où elles doivent s’installer auprès des missionnaires du Saint-Cœur de Marie envoyés par le père Libermann pour évangéliser les noirs d’Afrique. Quand les sœurs de Castres arrivent à Ndakarou, ce n’est pas à la demande des autorités politiques de la colonie, même si celles-ci les accueille favorablement.
La politique française est toujours celle des points d’appui qui permettaient aux bateaux de se ravitailler et de faire du commerce, mais elle est à un tournant qui se manifeste par la remise en état d’anciens forts dans la vallée du fleuve Sénégal avant de s’orienter bientôt vers l’expansion. Les habitants de Gorée ont des vues sur la Grande Terre. D’autre part, l’abolition de l’esclavage en 1848 et le progrès des idées favorables à cette abolition posent de nouveaux problèmes sociaux en particulier au Sénégal : la prépondérance des habitants saint-louisiens ou goréens, qui louaient les services de leurs esclaves ou des engagés à temps, est remise en cause. De plus cette abolition ne touche que des territoires français extrêmement restreints : Gorée et Saint-Louis ; ce qui soulève des conflits avec les royaumes voisins dont les captifs en fuite se réfugient sur le sol français. : l’article 7 de la loi d’abolition des l’esclavage est très clair : « Le principe que le sol de la France affranchit tout esclave qui le touche, est appliqué aux colonies et possessions de la République ».
Les sœurs de Castres arrivent donc à la demande d’un nouveau type de missionnaires arrivés depuis peu au Sénégal. Jusqu’alors, à Saint-Louis et à Gorée, le clergé colonial dépendait d’un préfet apostolique et venait de la congrégation du Saint-Esprit. Les premiers missionnaires du Saint-Cœur de Marie, les pères Arragon et Briot accompagnés du frère Pierre, à leur arrivée au Sénégal en 1845, avaient été mal accueillis par le clergé de Gorée et cherchaient à éviter tout lien avec les autorités coloniales. Ils effectuent rapidement des prospections sur la Petite Côte et en Gambie où il leur semble qu’il y ait des perspectives prometteuses d’apostolat. Malgré une première impression négative sur la presqu’île du Cap-Vert, ils s’y installent après avoir été bien accueillis par le roi de Ndakarou qui leur concède un terrain contre une redevance annuelle de 30 gourdes. Ce terrain sera occupé par une batterie, et la mission s’élèvera un peu plus loin en face de Gorée.
Les sœurs seront installées dans une maison louée à une dame de Gorée un peu plus loin. D’autre part, l’encyclique Neminem profecto du 23 novembre 1845 donne les principes d’une nouvelle stratégie missionnaire qui encourage en particulier la formation d’un clergé autochtone qui doit prendre le plus rapidement possible la direction des Eglises locales, stratégie qui s’appuie sur les œuvres caritatives, les écoles, l’éducation des jeunes filles. Et les congrégations féminines trouvent naturellement leur place dans ce contexte. Mère Paule Lapique est originaire du diocèse de Nancy ; après une courte expérience chez les carmélites de Nancy, elle prend conscience de n’avoir pas la vocation contemplative, va à Paris et y fréquente l’église de Notre-Dame des Victoires, véritable centre de l’apostolat missionnaire à cette époque. C’est là qu’elle rencontre le père Tisserant qui la met en contact avec le père Libermann. Celui-ci l’envoie à Castres où elle entre dans la congrégation en 1843, prend l’habit en 1844, fait profession en 1846 et profession perpétuelle en octobre 1847, avant son départ pour l’Afrique. Une lettre du père Libermann à sœur Paule pour la préparer au départ en mission est significative de la vision de l’époque de l’état de religieuse tout en montrant une familiarité affectueuse certaine pour celle qu’il a dirigée vers la congrégation de l’Immaculée Conception.
Sœur Paule passa une grande partie de sa vie religieuse en Afrique ; elle suit les conseils de son directeur, le père Libermann, s’imprègne des mœurs du pays et apprend le wolof ; après avoir accompagné en France la supérieure malade, elle revient en 1848 en tant que supérieure de la communauté de Dakar, puis comme provinciale. En 1858 elle est rappelée en France pour prendre des responsabilités au niveau du Conseil de la congrégation (vice-assistante, économe générale et secrétaire). Ce n’est qu’en 1868 qu’elle repart pour l’Afrique ; cette fois c’est le Gabon où elle meurt un an plus tard