Durant cette crise pandémique, les gestes de solidarité sont encore nombreux. Si à l’instar des autres pays, l’État du Sénégal a déployé des moyens conséquents pour protéger les plus vulnérables, les citoyens (es) se sont également entraidés à travers la mobilisation de la société civile. La réponse des Sœurs de l’Immaculée Conception de Castres quant à elle, est comparable à celle de la légende amérindienne du « petit colibri » racontée par Pierre Rabhi. 1

« Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu.
Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : «Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu !» Et le colibri lui répondit : «Je le sais, mais je fais ma part.» répond le volatile. Ne sommes-nous pas invités chacun (e) à imiter le petit colibri et à « faire aussi sa part » ?
La réponse des Sœurs de l’Immaculée est aussi similaire à celle de la «femme au foin.»Un fait qui nous est relaté dans la vie de Sainte Jeanne Emilie de Villeneuve, dont on ne parle presque pas. Il s’agit de sa rencontre mais surtout du geste qu’une pauvre femme portant du foin dans son tablier a posé lors de la construction de l’Eglise Sainte Sophie. Ainsi, dans les Notes Personnelles nous pouvons lire : «Quand on bâtissait l’église Sainte Sophie, les personnes riches et pieuses faisaient de grandes aumônes ; une pauvre femme donna du foin dans son tablier pour les bœufs qui conduisaient la charrette, et comme elle avait plus d’amour que les autres, sa pauvre offrande fut plus agréable à Dieu. » (N.P. 68)
Comment ne pas penser aussi à l’obole de la veuve, à ce visage de femme, d’une discrétion exemplaire et d’une générosité étonnante présenté par l’évangéliste Saint Marc ?Seule la sensibilité de Jésus à la pauvreté a permis de voir l’humble geste de cette femme.

« Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait la foule déposer de l’argent dans le tronc. Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et déposa deux piécettes. Jésus s’adressa à ses disciples : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. » (Mc 12, 41-44).
Le petit colibri, la femme au foin et l’obole de la veuve, nous serviront de guide pour partager la réponse du Secteur Social à la Covid 19.Comme le colibri qui lutte contre un incendie de forêt avec les quelques gouttes d’eau qu’il transporte dans son bec, comme l’offrande de ces deux femmes, de Mbour, Nioro Medina Wandifa, Fatick, Kaolack, Ndiaganiao, Mont Roland, Sanghé, Guinée Bissau et Burkina Faso, chaque sœur fait sa part dans la lutte contre le Coronavirus, qui a embrasé le monde en quelques mois.
Sœur Thérèse Elisabeth Thiaré, coordinatrice de la Pastorale Sociale nous fait écho de ces petites gouttes d’eau qui soulagent et consolent, ces petits gestes de résilience, qui redonnent vie et encouragent. A travers nos différents centres de promotion féminine, nos ateliers, nos programmes d’accompagnement des femmes dans le microcrédit, du nouveau a surgi.Vraiment, la Covid-19 engendre solidarité et initiatives inédites.

« Avec le Microcrédit, nous nous rendons sur l’île de Fayako.Nos sœurs Marie Florence Diouf, Agnès Daba Seck, accompagnées de Marie Thérèse Ndong vont à la rencontre des femmes pour le microcrédit.
Cette traversée du fleuve nous renvoie à la légende du petit colibri. Leur présence apporte les petites gouttes d’eau qui soulagent et réconfortent. Elles aussi « font leur part »
Comme toutes les activités économiques du pays, le microcrédit continue de subir les effets de la pandémie. Les conséquences sur le suivi des groupes des femmes bénéficiaires de microcrédit sont grandes. En effet, depuis le 17 mars date de notre dernière rencontre avec les femmes de Fadiouth pour le versement du sixième mois, nous n’avons plus effectué de sorties. Toutes les activités ont été suspendues attendant de voir l’évolution de la pandémie.
Les rencontres qui étaient prévues au mois d’avril avec les partenaires ont été également annulées. Avec l’assouplissement des mesures, nous reprenons petit à petit. Il faut signaler que durant cette période d’arrêt, beaucoup de groupements devraient faire le versement du sixième mois. Même si les villages n’ont pas enregistré de cas positifs du Coronavirus, ils ressentent les conséquences avec la fermeture des marchés hebdomadaire « Louma », ainsi que les restrictions de voyages interurbains. Par ailleurs, certaines femmes pourraient avoir des difficultés pour honorer leur engagement lors des versements.

En conséquence, l’échéance du projet risque d’être impactée à son tour. Cette situation fera l’objet de réflexion avec les partenaires pour voir les mesures d’accompagnement adaptées à prendre. Tout dernièrement, le mercredi 17 juin, nous sommes allées à la rencontre des femmes de Nakamaye à quelques kilomètres de Thiadiaye pour le versement du semestre. Avant de commencer, sœur Marie Florence a pris un temps de sensibilisation. En effet, à notre arrivée nous avons remarqué que les femmes n’avaient pas leurs masques et les mesures barrières n’étaient pas du tout respectées. Nous espérons que notre sensibilisation portera du fruit.
En compagnie de Mme Emeline Ndiaye, sœur Marie Florence a repris les activités à Fatick.C’est le même constat. L’arrêt brusque de toutes les activités au sein des organisations féminines a tout bouleversé. Pour ces femmes, le petit commerce qui contribuait à la survie des familles, s’est lourdement appauvri. Le microcrédit est au ralenti ainsi que les épargnes et les remboursements. Les rencontres durant les formations étaient des moments de retrouvailles et de partages d’expériences. Comment redynamiser les groupes et relancer les activités au moment où la covid 19 continue à se propager ? Nous sommes toujours présentes.




Dans la nouvelle fondation, à Madina wandifa, à l’image de ce colibri, les soeurs , en ce temps d’épreuves relatives à la Pandémie de la Covid 19, tentent de soutenir la vie de foi des paroissiens qui ne peuvent plus avoir la messe à travers des émissions à la Radio.
Tous les dimanches les sœurs, le curé et deux paroissiens, à tour de rôle, assurent la célébration de la Parole de Dieu

Deux heures autour des textes liturgiques de chaque dimanche sur les ondes de la radio communautaire de Madina wandifa KAMBENG. FM 92.7 C’est un espace de rencontre et de communion avec tous les fidèles et même les voisins musulmans du quartier qui suivent les émissions. Les trente dernières minutes sont réservées aux appels en direct.
A Tobor, commune située à 7kms de wandifa, le Maire Mr Ousmane Manga, un ami de la communauté, a sollicité un appui en produits préventifs de la Covid19. Ainsi les sœurs ont voulu apporter leur réponse en initiant des formations en eau de javel, un désinfectant que les femmes utilisent déjà, pour les lavages des mains dans des bidons placés devant les concessions et les maisons.

Lavage des mains dans les entrées des concessions avec l’eau de javel à Touba Mbacké (2km)


Cette formation se poursuit dans les autres communes de wandifa et Faoune.
Au cœur de la Covid 19, la communauté de wandifa vit des rencontres salvifiques de sensibilisation auprès des populations très insouciantes, voire innocentes et difficiles à convaincre des dangers de la maladie et des mesures barrières à adopter. Quelques nécessités ont amené les sœurs à distribuer un masque par-ci, par-là surtout pour les femmes qui puisent l’eau aux puits de la ville et la vendent aux familles. Il en est de même pour cet éleveur de porcs qui fait du porte à porte à la recherche d’aliments.

A TOBOR les tout-petits ont exigé à leurs parents le port de leurs masques. Ils voulaient des masques comme leurs mamans.
Des ateliers de couture se transforment en centres de confection de masques pour les villages. Comme les « Masques communautaires » confectionnés au Centre de Mbour. Ils sont destinés à quelques-uns. C’est ce qui a soutenu un père de famille durant le mois du ramadan lui permettant aussi de payer régulièrement les frais de location de sa maison.
Ce n’est qu’avec la solidarité et la participation de TOUS (ES) que nous pouvons avancer de nouveau.Comme le petit colibri, des petites actions ont été initiées comme la vente de «khéthiax» ou poissons fumés de Mbaling (Mbour) ou tout simplement fait maison. Nous avons créé des ponts, cherché des occasions pour mettre en lien les femmes entre elles, d’une région à une autre, notamment, avec les vendeuses de Dakar.


Sœur Marie Rose Diouf nous partage ce geste de solidarité dans le village de LoulyBenteigné grâce à la générosité des partenaires de l’Association « Louly, l’école au Sénégal ». Cent soixante-quinze (175) familles du village de Louly ont chacune reçu un sac de 25 kilogrammes de riz et deux bouteilles d’huile. Rappelons que ce village compte mille six cent soixante-seize (1 676) habitants. Les villageois n’ont pas tardé à venir chercher ce don tant attendu et si précieux en cette période de soudure.
C’est un grand soulagement pour les familles qui éprouvent le manque et traversent des moments difficiles dus aux effets socio-économiques de la pandémie de la covid-19.
A Sanghé, même si la crise touche la population, la Covid 19 a permis de redynamiser quelques activités. Ainsi, la fabrication du savon bio a connu un grand essor. Sœur Marie Charlotte Faye a ouvert les portes à des femmes pour un travail à mi-temps dans l’emballage et le conditionnement du savon. Il y a eu les transformations des mangues en confiture et les melons de la « GOANA » en fruits confits.
Notre petit colibri se déplace vers Mont-Roland et y trouve sœur Claire Ndiaye qui elle aussi fait sa part. Elle nous partage le déplacement de lieu et de stratégie opéré par l’atelier de confection qui était en pleine formation pour le renforcement de capacités. Notons que cette formation a été démarrée par la fondation Jean Paul II en novembre durant trois jours, puis renforcée d’une semaine, en janvier dernier, grâce au financement de la mairie qui a aussi équipé l’atelier en machines de broderie. Les filles ont dû suspendre toutes leurs activités y compris celles de la formation pour rester chez elles et ainsi limiter tout risque de contamination.

Au bout d’un mois, l’idée de continuer la pratique de la formation à domicile a été émise. Aujourd’hui, chacune des filles fréquentant l’atelier, effectue son travail à la maison. Ce qui n’est pas évident, du fait qu’elles sont pour la plupart des femmes au foyer et les activités ménagères prennent parfois le dessus et ralentissent leur travail. Autres difficultés relevées, ce sont les scolarités qui n’ont pas été honorées et les monitrices non rémunérées.
« A Kaolack, comme partout, nous avons subi aussi l’épreuve et les conséquences de la Covid 19 nous dit sœur Hélène Ndour. Nous avons arrêté les apprentissages pour obéir aux décisions de l’Etat. La crise tout en étant une crise sanitaire est aussi une crise économique N’ayant pas la possibilité de faire un suivi direct des filles que par les appels téléphoniques, la monitrice et moi-même, nous nous sommes lancées dans la production de robes, de chasubles, d’étoles et de nappes d’autel pour les vendre et combler ainsi les scolarités impayées. Nous 11 espérons qu’après la reprise des écoles, nous pourrons aussi faire revenir au moins les apprenants de la 3ème année en concertation avec L’ANPF (l’Association Nationale pour la Promotion de la Femme) afin de valider l’année. Notons que le centre a bénéficié de la Chambre des Métiers d’un don en gelhydroalcoolique, savon liquide, gants et masques.

Ce que je retiens, c’est que la solidarité est là et on ne peut que s’en émerveiller ! Il faut absolument la cultiver en partageant nos savoirfaire et en consolidant nos liens. La Covid 19 nous met tous (tes) devant l’essentiel, à savoir, la solidarité et «l’ETRE AVEC». Il est très difficile de faire face à cette situation, mais par la grâce de Dieu, nous essayons de trouver quelques alternatives. Au sein du secteur de la Pastorale sociale, cette pandémie, nous a poussés à la réflexion, à l’approfondissement de notre foi. Devant la mort, disait une femme, « il faut revenir à Dieu»
Notre petit colibri se déplace vers la communauté de Nioro du Rip. N’oublions pas que l’incendie est immense et la Covid 19 a atteint tous les coins et recoins du Sénégal. Elle est dans les familles et affecte durement les personnes âgées et les plus démunis. Elle a suscité des rencontres et renforcé les liens entre chrétiens et musulmans.
C’est ainsi que le Député a eu un entretien avec l’Equipe Pastorale. Il a félicité les chrétiens pour leur engagement gratuit dans cette lutte contre la Covid 19. Sachant que nous n’avons pas de moyens pour faire face à cette période de pandémie, il nous a octroyé une aide en nature (riz, produits désinfectants) que nous avons jugé bon de partager avec les nécessiteux du quartier. Le chef de quartier nous a donné aussi du riz, quelques produits désinfectants, une fontaine artisanale pour se laver les mains. Cela manifeste la bonne cohabitation et notre insertion dans le milieu. L’école étant en chantier, nous avons eu à prendre des ouvriers à la recherche de travail pour leur gagne-pain en cette période de crise : une chance en ces moments difficiles.

Les maladies ignorant les frontières, la Covid 19, nous mène au Burkina Faso. Là aussi les sœurs font leur part. Les activités au centre de tissage sont au ralenti. Les sœurs ont initié la confection des masques communautaires avec le pagne tissé. Le maraîchage avec les femmes de Zooré a transformé le paysage devenu méconnaissable malgré la dure réalité de la Covid 19. Patiemment, les gouttes d’eau ont «changé le désert en verger». (Is 32,14-15)
Ce que nous avons vécu à travers nos différentes missions, montre que notre monde sortira de cette pandémie, renouvelé. Elle devra conduire les hommes à plus de solidarité, de justice sociale, les aider à réapprendre la nécessité d’une redistribution équitable des richesses source de paix durable. L’égoïsme et l’individualisme doivent faire place à la fraternité, au-delà des frontières où Dieu se rend présent dans nos petits gestes de communion

La femme dont parle Emilie se présente avec du foin dans son tablier. Elle nous laisse son tablier pour servir. C’est l’image de la Congrégation portant le tablier de service, car pour elle, la vraie mission, c’est le service dans la solidarité.
La solidarité active nous apprend non pas la survie mais la nouvelle vie.«Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance». (Jn 10, 10)
La coordinatrice du Secteur Pastorale Sociale
Sœur Thérèse Elisabeth Thiaré

