
L’apparition de la COVID 19 a montré toute l’importance de la santé dans la vie. SANS ELLE RIEN NE PEUT SE FAIRE. Devant cette épidémie d’une telle ampleur, le système de santé se trouve un peu partout débordé, dépassé et souvent inadapté pour ce qui concerne l’Afrique.
Chaque pays a mis et continue de mettre en place des mesures dites urgentes prises dans l’urgence, en ayant recours à l’aide internationale selon le degré d’infection de sa population. Les maladies ignorant les frontières, les actions qu’entraîne la protection de la santé revêtent donc un caractère transfrontalier qui nécessite une coopération interétatique.
Nous assistons partout à une prise de conscience accrue de la nécessité d’une santé valable pour tous, accessible à tous, soutenable par tous. Voilà pourquoi, nous empruntons au frère Bruno Cadoré la métaphore de la résistance à la Covid-19 pour comprendre notre mission dans son ensemble.
En effet, parler de résistance, «nous permet de prendre en compte à la fois les dimensions individuelle et collective, de souligner l’interdépendance de tous, de nommer les insuffisances de moyens, de préciser les forces et les faiblesses du corps social et de solliciter l’effort de chacune et de chacun pour intégrer de façon solidaire les failles et les besoins dans leur ensemble, de manière panoramique et dynamique.»
A vrai dire, cette pandémie met brutalement au centre de nos préoccupations la question de la santé notamment celle des plus vulnérables. C’est ce qui nous a poussées à nous mettre à l’écoute des expériences de nos sœurs qui continuent d’accueillir, d’accompagner et de soigner les malades parfois dans des conditions précaires avec tous les risques inhérents au métier. Elles nous disent comment elles gèrent la COVID-19 au milieu des malades qu’elles reçoivent au quotidien. Qu’est-ce qui a changé dans leur approche des patients ? Avec quelles précautions et comment les rassurent-ils dans un contexte d’insuffisance de moyens de protection ? Comment se passe la collaboration avec les services du ministère de tutelle ? Comment gérer la stigmatisation dont souffrent les victimes de la Covid 19.
C’est le lieu de rendre ici un HOMMAGE appuyé à tout le personnel de santé particulièrement à nos sœurs et leurs collaborateurs, qui à travers nos différents postes de santé (Mont Roland, Sanghé, Ndiaganiao, Fatick et Pouytenga (Burkina Faso), se battent pour protéger et sauver des vies. (Sœur Marie Rose Dione, Provinciale)
Du poste de santé de Fatick, sœur Marie Yvonne Mbengue nous introduit dans ce partage : « Depuis le 02 mars 2020, date à laquelle le Sénégal a enregistré son premier cas importé, la situation a évolué et des foyers épidémiques géographiquement localisés sont apparus avec une transmission communautaire accrue. Ainsi, pour interrompre la transmission de la maladie, la participation de tous les agents de la santé et surtout communautaire constitue un élément incontournable par la résistance devant cette situation d’urgence.
Le Sénégal, conformément au règlement sanitaire international et compte tenu des flux migratoires, a élaboré un plan de riposte à travers le ministère de la santé et de l’action sociale, en collaboration avec les autres secteurs et l’appui des partenaires techniques et financiers. L’Association des Postes de Santé Catholiques du Sénégal, qui compte aujourd’hui 76 postes, en étroite collaboration avec le ministre de la santé, travaille dans ce sens pour lutter contre la propagation de cette maladie qui n’épargne personne. »
Pour Sœur Marie Thérèse Diouf, « les postes de santé «Immaculée» sont inscrits dans cette logique de riposte dans les districts, avec tout le personnel mobilisé et les acteurs communautaires afin de résister à la COVID-19. Nous favorisons surtout la communication sur les risques et la surveillance à base communautaire. A cet effet, au niveau de nos postes, il y a un dispositif qui est mis en place à l’entrée du poste pour le lavage des mains à l’arrivée comme à la sortie, avec du savon antiseptique, du gel hydro alcoolique, acheté ou donné par les districts, un thermo flash et une salle d’isolement pour accueillir les cas suspects. Le port de masque est obligatoire pour tous les malades et la distanciation d’un mètre avec les autres patients est exigée et respectée. D’autres mesures de prévention générales et spécifiques sont aussi prises en compte.
Dispensaire de Mont Roland, Fatick et de Sanghé, un jour de consultation.

Les consultations se font dans une salle aérée ou ventilée. Nous essayons de nous protéger, tout en protégeant les malades. Ce qui n’est pas toujours évident.
Dans notre cadre de vie, c’est-à-dire au village, la situation est très difficile car les populations vivent de leurs ventes journalières, pour celles qui le peuvent. Les moyens manquent souvent pour se soigner. Cela nous l’avons fortement ressenti dans nos postes de santé. Ayant entendu qu’il y avait des cas de Coronavirus dans les structures sanitaires où ils 3 se faisaient suivre, certains malades ont déserté les hôpitaux pour venir se faire soigner dans nos postes de santé. Nous faisons beaucoup de gratuités, vu la situation qui s’impose. Tous les patients sont soignés quels que soient leurs moyens. »
Du poste de santé de Ndiaganiao, sœur Marie Hélène Coly, nous donne des échos de la réponse à la Covid-19.
D’abord, qui es-tu Covid 19 ?
« Je suis un virus. Un virus qui fait parler tant de personnes. Un virus qui ne se déplace pas mais qu’on déplace et qui se propage vite dans les rassemblements par la salutation, la proximité, les gouttelettes de salive et j’en passe. Un virus qui recherche toujours un milieu favorable où l’hygiène n’est pas respectée. Un virus qui a tué des milliers de personnes et qui n’épargne personne surtout les plus vulnérables.»
Devant tout cela et connaissant notre population dont certaines sont sans informations et d’autres refusent simplement d’appliquer les mesures recommandées, notre devoir est de les informer à travers des activités de sensibilisations sur les mesures de prévention. Elles se déroulent comme suite :
Après la prière, nous nous dirigeons vers la salle d’attente où se trouvent les malades. Par une salutation de «parenté à plaisanterie » entre sérères et diolas, nous accueillons les patients en les mettant à l’aise. Ainsi les malades sont réceptifs et s’intéressent beaucoup à ce que nous leur disons.
Voici le message que nous véhiculons :
LA PANDEMIE EST ARRIVÉE À UN NOVEAU OÙ CHACUN DOIT SE PROTÉGER ET PROTÉGER SON ENTOURAGE
Ainsi vous devez :
- Porter le masque avant de sortir de la maison et au dispensaire. De ce fait, vous vous protégez non seulement du coronavirus mais aussi des autres maladies comme la grippe ou la tuberculose qui se contaminent aussi à travers les gouttelettes de salive.
- Le masque ne se prête pas, le virus passe à travers la salive
- Laver les mains avant de toucher le visage, les mains sont source de contamination.
- Mettre les habits et les chaussures au soleil de retour à la maison.
- Ne pas se donner la main
- Eviter de voyager et de se rassembler, le virus étant transporté par les individus,
- Eternuer ou tousser dans le coude, ainsi vos gouttelettes de salive ne seront pas éparpillées
- Se laver les mains en entrant au dispensaire et au retour à la maison, mieux, se doucher, car le virus n’aime pas la propreté
- Maintenir une distance d’un mètre entre vous.

Une fois la communication de masse terminée, nous leur faisons suivre un débat ou une émission sur la Covid-19 en attendant leur tour de consultation. Il va sans dire qu’en tant qu’agents de santé, nous sommes les premiers à appliquer ces mesures de prévention surtout la désinfection des surfaces, des bancs et chaises où s’assoient les malades, les portes, etc…
Nous veillons à nous protéger pour ne pas exposer nos malades. Lors de la consultation nous revenons sur certains points en entretien individuel pour mieux expliquer à ceux qui n’avaient pas bien compris ou les retardataires qui n’avaient pas assisté à la communication de masse. »
Du centre de santé de Mont Roland, sœur Madeleine Ngom renchérit : « Les séances de sensibilisation à la radio sont suivies de la distribution de lave-mains et masques aux familles, en collaboration avec la mairie et le poste de santé publique. Notre poste de santé, soutenu par un bienfaiteur, a distribué 1000 masques. Aujourd’hui, nous continuons notre lutte contre ce virus avec de nouvelles initiatives et à cet effet, nous avons reçu du PNUD par la mairie, un lot de matériel, entre autres, un pulvérisateur pour désinfecter régulièrement nos lieux de travail. Nous privilégions les visites à domicile (VAD) pour évaluer l’application de toutes les directives données sur les mesures d’hygiène et de prévention. »
Mais comment rassurez-vous les malades lorsqu’on sait que la Covid-19 entraîne au niveau communautaire des comportements liés à la peur, à la méconnaissance de la maladie et de son mode de transmission et surtout aujourd’hui à la stigmatisation ?
« En effet, nous dit sr Marie Yvonne, il est important de donner aux populations, aux malades que nous recevons des informations claires sur la maladie et les précautions à prendre pour limiter la propagation au niveau communautaire et surtout les rassurer.
La sensibilisation à travers la communication se fait avant et pendant les consultations, tous les jours dans nos postes pour éviter la contamination. Les acteurs communautaires jouent aussi un rôle essentiel pour relayer les bonnes informations auprès de la population. Nous n’avons pas encore de cas mais nous restons vigilants et nous continuons à résister pour limiter la propagation de ce virus. Devant cette maladie, l’inquiétude, le stress nous habitent, mais la solidarité et la prière nous aident à tenir, nous souvenant toujours de ces recommandations de notre Fondatrice Sainte Jeanne Emilie de Villeneuve : « Les sœurs se regarderont auprès des pauvres malades comme des anges consolateurs députés par la Divine Providence. Si elles sont animées d’un véritable esprit de foi, elles ne se rebuteront jamais d’aucune peine, ni d’aucun office, parce qu’elles envisageront Jésus-Christ dans la personne des malades.» (C. 1840. n°577). »
Du Burkina Faso, où le Coronavirus s’est importé depuis le 9 mars, sœur Agnès Rita Ndiaye responsable du CREN (Centre de Récupération et d’Education Nutritionnel) nous fait écho de son expérience quotidienne.
« Au début, il y a eu beaucoup de décès au niveau national, jusqu’à l’arrivée des secours des chinois par vol spécial. Des mesures drastiques ont été prises pour réduire les risques de contamination. C’est ce qui a permis la prise en charge des malades malgré les difficultés. Nous saluons la décision de l’Etat pour la fermeture des marchés de Ouagadougou avec une sensibilisation au préalable, la fermeture des lieux de culte, des établissements scolaires, des restaurants et hôtels, le couvre-feu et la fermeture des frontières au niveau interurbain et inter régional. Aujourd’hui le Burkina Faso se retrouve avec moins de 30 cas positifs, après le déconfinement. C’est un record que n’ont pas encore atteint beaucoup de pays de la sous région.
Mais l’impact sur le plan socio-économique n’a épargné personne. Notre mission a aussi été fortement touchée. .Avec les mesures prises par l’Etat, nous nous sommes mises à fond dans la sensibilisation des villageois, allant jusqu’à initier un atelier de confection de masques avec les pagnes tissés. Aujourd’hui, la situation est alarmante surtout dans la prise en charge domestique des enfants de 0 à 18 mois. Nous avons constaté au CREN que 70 à 80 % des enfants accueillis, de cette tranche d’âge, souffrent de malnutrition sévère. Est-ce dû à la conjoncture extrêmement difficile, au mois du ramadan où les mamans jeûnant, délaissaient par fatigue les enfants ou bien à la corvée d’eau dont la population manque depuis 5 semaines ? Les femmes doivent parcourir des kms à la recherche du liquide précieux où l’acheter très cher par tonneau.

Nous aussi, à Pouytenga, nous faisons comme elles pour s’approvisionner en eau potable.

Notre réponse à la situation de ces enfants a été l’augmentation de la production de farine enrichie donnée gratuitement aux plus nécessiteux. Ce qui les a beaucoup soulagés. Nous nous sommes approvisionnées en lait qui coûte excessivement cher pour les enfants des 1 er et 2 ème âges, dont les mamans n’arrivent pas à faire face et qu’il faut aider.
Des démonstrations culinaires et conseils diététiques en faveurs des mères et des enfants ont rendu un grand service. Nous sommes parfois arrivées à des résultats inattendus, après un suivi plus ou moins long. Cela nous donne beaucoup de joie. Mais lorsque nous sommes obligées de transférer les enfants au district sanitaire, cela devient plus compliqué pour les parents qui n’ont pas assez de moyens pour faire face à des dépenses onéreuses. Notre mission se fortifie chaque jour dans la prière. L’éducation et les soins prodigués nous rendent solidarité des plus démunis.»
La solidarité, fruit de la Covid-19
« Partout la solidarité est bien effective surtout dans le milieu de la santé à travers l’intérêt porté à notre travail, les informations, les formations reçues, les encouragements, les dons et le partage de matériel entre les postes », nous dit sr Madeleine Ngom, qui remercie au nom de tous, entre autres, l’Association des Postes de Santé Catholiques qui a beaucoup soutenu matériellement les postes de santé.
Pour sr Marie Hélène Coly, « lorsque nous parlons de la Covid-19, nous montrons toujours sa face négative, pourtant, elle a des effets positifs dans notre milieu. Notons le réflexe des gestes d’hygiène qui s’installent petit à petit dans les familles et le grand élan de générosité des uns et des autres. Aujourd’hui, notre joie est grande de parler de cette solidarité dont nous avons été témoins au sein de notre dispensaire. C’est ainsi que nous avons bénéficié des dons de gel, de savon, d’eau de javel, de thermo flash, de masques. Oui la Covid-19 nous a rendus généreux mais surtout, nous a unis dans la résistance et le combat pour son éradication.

Avez-vous entendu parler de l’Artémésia ?
En réponse à cette question, sr Marie Hélène nous dit penser d’abord à tant de patients, souffrant de maladies chroniques, qui s’exposent à des risques sérieux s’ils interrompent leur suivi médical. Nous portons leur crainte d’une contamination qui leur paraît plus fatale qu’une absence de guérison. Il faut aussi assurer la disponibilité des moyens que demande la prise en charge de ces patients. Par ailleurs, pendant que l’on compte, non sans raison, les patients morts de la Covid-19, d’autres meurent d’autres épidémies qui continuent de ravager des populations entières sans que l’on envisage de mobilisation massive pour les enrayer.
L’artémésia oui, il est bien connu, c’est une plante très efficace contre la grippe. Tant à Mont Roland qu’à Fatick, il est intégré dans le traitement des malades les plus vulnérables. C’est aussi un préventif contre le paludisme. Indépendamment de la Covid-19, c’est un complément alimentaire que nous proposons à nos patients. Dans le cas présent, nous l’associons systématiquement dans le traitement du patient.
La prière, force devant cette pandémie
Notre première activité est de nous tourner chaque jour vers notre Dieu et Père, de qui tout nous vient. Ainsi nous lui confions cette situation de pandémie avec ses ravages en implorant sa miséricorde sur les victimes la guérison pour les malades et la patience et la persévérance pour les familles. Nous demandons surtout la protection divine pour tout le corps médical exposé en sauvant des vies.

Notre prière va aussi à l’endroit de nos autorités civiles et religieuses. Que, face aux tensions tant sociales, économiques, politiques que religieuses, elles puissent sous le souffle de l’Esprit Saint, prendre les décisions pour rechercher chaque jour le bien commun et l’intérêt de toute la nation. Nous rendons grâce au Dieu Providence qui nous a visitées à travers des donateurs et qui a uni les cœurs dans une solidarité commune. Qu’Il les comble au-delà de leurs attentes !
Sœur Madeleine Ngom Coordinatrice du secteur Santé